Gudrun Sander est professeure de gestion d’entreprise à l’Université de Saint-Gall (HSG) et experte dans le domaine de la diversité et de l’inclusion. Elle est directrice du Competence Centre for Diversity and Inclusion, qui réalise cette année en coopération avec Neustarter le Diversity Benchmarking et l’enquête connexe sur les mesures de diversité mises en œuvre. De plus amples informations sur l’étude et l’enquête sont disponibles à la fin de l’interview.
Cette prise de conscience est actuellement en forte hausse. On parle de l’évolution démographique depuis de nombreuses années, mais les entreprises en ressentent aujourd’hui lentement les premiers effets: Dans notre Diversity Benchmarking, nous constatons clairement que certains secteurs manquent déjà de travailleurs qualifiés. Il est donc plus important que jamais pour les entreprises suisses de conserver, de former et de perfectionner des employés qualifiés de tous âges, mais aussi de les recruter. Des sujets tels que le transfert durable des connaissances, les modèles de carrière alternatifs, la planification de la succession et une culture d’entreprise incluant toutes les générations devraient faire partie de chaque stratégie d’entreprise.
Au sein de l’OCDE, la Nouvelle-Zélande, Israël, l’Islande, l’Estonie et la Suède semblent avoir particulièrement bien réussi à exploiter pleinement le potentiel des travailleurs âgés (selon une étude de PwC). L’Allemagne doit également être mentionnée ici, car elle a fait des progrès considérables à cet égard au cours des dernières années. En Nouvelle-Zélande, par exemple, les formes de travail flexibles sont la norme, ce qui permet aux collaboratrices et collaborateurs d’âges différents de travailler selon leurs besoins en fonction de leur phase de vie. En Allemagne, il existe des «pactes pour l’emploi» transrégionaux qui visent à former les personnes âgées et à les aider à trouver un emploi. Il existe donc dans d’autres pays des initiatives que nous pouvons également examiner ici en Suisse.
La recherche le montre clairement: une diversité générationnelle bien gérée rend les entreprises plus performantes. Les équipes d’âges mixtes profitent d’un pool plus large de perspectives, de réseaux, de compétences et de connaissances différents. Les études montrent par ailleurs que la productivité des travailleurs âgés et des travailleurs jeunes est plus élevée dans les entreprises où les équipes sont composées de personnes d’âges différents et permet de réduire la rotation du personnel. La diversité générationnelle au sein d’une équipe est particulièrement avantageuse pour les tâches complexes et réduit les taux d’erreurs. Ces effets positifs supposent que les entreprises et leurs dirigeants soient sensibles aux différents besoins des générations et que les pratiques appliquées par les ressources humaines tiennent compte de ces besoins.
Nous avons tous des préjugés et avons tendance à cataloguer les gens. Les stéréotypes liés à l’âge peuvent avoir un impact négatif sur le recrutement, par exemple. Des affirmations telles que «il est trop vieux pour apprendre» ou «elle est si jeune qu’elle ne peut pas s’affirmer» influencent inconsciemment la réflexion et les décisions de nombreux managers. Lors du Diversity Benchmarking de l’année dernière, nous avons pu établir qu’il existe actuellement une tendance à favoriser les candidates et candidats de moins de 40 ans par rapport à celles et ceux de plus de 40 ans.
Un autre défi réside dans le fait que les avantages et les opportunités des équipes d’âges mixtes ne peuvent se déployer que si l’équipe est gérée correctement. Dans le cas contraire, les équipes d’âges mixtes présentent un potentiel de conflit accru et sont moins productives que les équipes dans lesquelles tout le monde est de la même génération. Il faut donc une formation spécifique pour les managers et des processus RH équitables qui favorisent spécifiquement la diversité (générationnelle).
Oui, tout à fait. Nous avons actuellement une opportunité unique sur le plan historique: jamais auparavant nous n’avons eu autant de femmes aussi bien formées sur le marché du travail et, dans le même temps, une vague de départs à la retraite d’hommes cadres de la génération du baby-boom à venir dans les dix prochaines années. Si les entreprises parviennent dès à présent à préparer ces femmes hautement qualifiées aux prochaines étapes de leur carrière - par exemple grâce à des programmes de gestion des talents mettant l’accent sur les jeunes femmes, à des tandems de direction d’âges mixtes ou à un mentorat inversé -, nous verrons dans dix ans une part nettement plus importante de femmes occuper des postes de direction.
Avec l’enquête sur les mesures de diversité mises en œuvre, nous assurons une transparence sur ce que les entreprises suisses ont déjà mis en œuvre sur le plan des générations et des autres dimensions de la diversité, et sur les mesures qui ne sont pas encore vraiment courantes. En participant à l’Diversity-Benchmarking de Saint-Gall, les entreprises peuvent par ailleurs de se situer par rapport à leurs pairs en termes de diversité générationnelle. Les entreprises reçoivent des réponses aux questions suivantes: Quel rôle la diversité générationnelle joue-t-elle dans les mesures de développement du personnel? Quelle est la répartition par âge en matière de recrutement? Qu’est-ce qui fonctionne déjà très bien, qu’est-ce qui ne fonctionne pas encore tout à fait bien? Quelles mesures sont nécessaires et quels pourraient être des objectifs réalistes?