Tout ce qu’il faut savoir sur la gestion des générations

De Bernadette Höller, 07. avril 2021

La Haute Ecole de Lucerne traite intensivement la question de la «gestion des générations». Dr Anina Hille, chargée de cours et cheffe de projet, fait le point sur les enseignements et regarde pour nous dans la boule de cristal des RH.

Chère Madame Hille, vous avez lancé le Baromètre des générations à la Haute Ecole de Lucerne - quels ont été selon vous les enseignements les plus importants de l’enquête menée en 2019?

L’enseignement le plus important pour moi était que bien que les employeurs aient très largement reconnu l’importance de la gestion des générations, il existe encore un grand potentiel dans sa mise en œuvre. Concrètement, le Baromètre a montré qu’environ les trois quarts des entreprises interrogées (323 PME et 93 grandes entreprises en Suisse) considèrent que la gestion des générations est importante. Pour elles, son principal avantage est de faire face à l’évolution démographique et d’éviter la perte de connaissances due au départ des collaboratrices et collaborateurs âgés. Seulement voilà: un peu moins de la moitié seulement de ces employeurs sont d’avis que le transfert des connaissances et la communication entre les générations ont effectivement lieu au sein de l’entreprise. Cela est particulièrement étonnant dans la mesure où la grande majorité des collaboratrices et collaborateurs interrogés considèrent qu’un échange direct et ouvert est important et qu’il règne une grande volonté et une grande ouverture à la coopération, au partage et à l’acquisition des connaissances avec les plus jeunes et/ou les plus âgés. La mise en œuvre de la gestion des générations a donc du potentiel!

Il existe de nombreuses autres conclusions intéressantes, qui sont résumées dans l’étude sur la gestion des générations. Le Baromètre et l’étude résultent d’un projet de la HSLU avec le soutien du seco, qui voit dans la gestion des générations un moyen pour les employeurs de contrer la pénurie de personnel qualifié. Un constat qui m’a touché personnellement concerne la question des préjugés. De nombreux préjugés ont ainsi pu être démystifiés, comme par exemple les coûts élevés que les employeurs associent aux collaboratrices et collaborateur âgés. Les résultats de l’enquête montrent qu’une majorité des collaboratrices et collaborateurs, surtout parmi les plus âgés, sont ouverts à l’idée que les salaires n’augmentent pas continuellement avec l’âge. Bien sûr, les coûts du personnel âgé augmentent au niveau du système de sécurité sociale, mais pour un grand nombre de collaboratrices et collaborateurs, les attentes salariales ne sont pas telles que le salaire doit augmenter avec l’âge.

Est-ce que quelque chose a changé depuis?

La question a pris de l’ampleur, notamment dans les secteurs où la main-d’œuvre qualifiée fait défaut et aussi face à la vague de départs à la retraite des baby-boomers. Nous recevons actuellement un nombre croissant de demandes d’entreprises souhaitant être soutenues sur cette question et de demandes concernant le guide «Generationenmanagement leichtgemacht» (la gestion des générations facile), une publication qui fournit aux entreprises un soutien pratique sous forme de savoir-faire et d’exemples de meilleures pratiques. Je pense que cela reflète le besoin de développement des connaissances sur le sujet. Il semble que non seulement il y ait une prise de conscience générale du problème, mais aussi que davantage d’actions soient entreprises, même si cela a lieu à une échelle encore réduite.

Pouvez-vous citer deux ou trois questions importantes que les responsables RH devraient se poser dans le cadre de la gestion des générations?

Dans un premier temps, il est nécessaire de préciser ce que l’on entend exactement par gestion des générations. Ce terme est souvent utilisé de différentes manières. La gestion des générations telle que je la conçois consiste à créer des conditions de travail optimales pour les différentes générations de collaboratrices et collaborateurs afin que ceux-ci puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Outre la prise en compte des préférences, des caractéristiques et des expériences des collaboratrices et collaborateurs des différentes générations, une grande importance devrait également être accordée à la coopération, et en particulier au transfert des connaissances entre les générations.

Il est également essentiel que les responsables RH connaissent la structure d’âge de leurs équipes et puissent ainsi contrecarrer les éventuels goulets d’étranglement à un stade précoce. Mais le problème va bien au-delà.

La question «Comment faire en sorte que les collaboratrices et collaborateurs restent aptes au marché du travail?» me semble plus importante que jamais dans le contexte d’une numérisation qui progresse actuellement à grands pas. Que puis-je faire en tant qu’employeur pour que mes collaboratrices et collaborateurs maintiennent leurs connaissances à niveau? Que faire pour ne pas avoir à les licencier à 50 ans et pouvoir leur offrir un emploi passionnant jusqu’à la retraite ou au-delà, tout en leur permettant d’apporter une valeur ajoutée à l’entreprise? Quand dois-je commencer à prendre des mesures dans ce sens? Avec le Baromètre, nous avons constaté que certaines entreprises ont des programmes pour les collaboratrices et collaborateurs à partir de 45 ans. À mon avis, le maintien de l’employabilité est une question qui doit être abordée indépendamment de l’âge lors de l’entretien annuel d’évaluation. Elle ne devient pas pertinente à partir d’un certain âge.

D’où la question: comment puis-je m’adresser à la jeune génération? Comment puis-je recruter les jeunes et les garder dans l’entreprise? Ou encore: comment assurer le transfert des connaissances entre la jeune génération et les collaboratrices et collaborateurs plus âgés? La réussite du transfert des connaissances est importante; nos recherches montrent que jusqu’à présent, ce transfert est plus susceptible de se faire des employés plus âgés vers les plus jeunes qu’inversement. Pour que les collaboratrices et collaborateurs restent aptes à trouver leur place sur le marché du travail, le transfert des connaissances doit avoir lieu dans les deux sens. Enfin, je conseille aux employeurs de réfléchir à la manière dont ils se positionnent en tant qu’employeurs et à ce qu’ils peuvent faire pour accroître leur attractivité d’employeurs. Ceci est particulièrement important pour s’adresser à la jeune génération.

La pénurie de travailleurs qualifiés est souvent citée comme argument pour promouvoir les collaboratrices et collaborateurs même après de longues années de travail, permettre le développement et développer des modèles de travail contemporains. Pourquoi une entreprise ayant un surplus de travailleurs qualifiés devrait-elle également le faire?

Dans ce cas également, il est dans l’intérêt de l’employeur de contribuer au développement de ses collaboratrices et collaborateurs et de les maintenir ainsi aptes au marché du travail. En effet, si l’employeur ne le fait pas, il risque de perdre de bons employés et donc le savoir-faire de l’entreprise. Je ne parle pas seulement d’expertise ici, mais aussi de connaissances sociales et d’expériences pratiques qui ne se reconstruisent pas de si tôt. Un employeur qui n’investit pas dans ses collaboratrices et ses collaborateurs de manière visible réduit son attractivité en tant qu’employeur.

Au cours de l’été 2021, vous avez lancé un nouveau séminaire intitulé «Atelier de gestion des générations». De quoi s’agit-il concrètement?

L’accent est mis sur deux aspects qui revêtent actuellement une urgence accrue pour les employeurs. Il s’agit d’une part d’exploiter la génération Z, et d’autre part d’accroître l’employabilité de tous les salariés. Je suis particulièrement heureux d’avoir avec Jo Dietrich un représentant et expert accompli de la génération Z (Forbes 30 under 30, ZEAM), qui partage avec nous ses connaissances sur la meilleure façon de conquérir la jeune génération. Je suis également impatiente de rencontrer ma collègue Veronika Halene Blankenagel, qui met actuellement en œuvre un projet de gestion des générations et apporte de nombreuses connaissances sur le thème de la gestion des ressources humaines et du développement des collaboratrices et collaborateurs.

Pourquoi cette focalisation?

Comme je l’ai expliqué, il s’agit de questions qui nous sont régulièrement soumises par des employeurs qui s’en inquiètent. Nous voulons les aider à aborder activement ces questions à l’aide d’une simple boîte à outils. Dans le cadre interactif de ce séminaire d’une journée, les spécialistes RH et les responsables d’équipe des entreprises découvriront des outils, des champs d’action, des mesures et des exemples de bonnes pratiques sur le sujet. L’objectif est qu’ils puissent également mieux comprendre les valeurs et les attitudes des différentes générations pour travailler de manière optimale avec ce potentiel et se positionner comme des employeurs attrayants.

Pour terminer, osons un regard dans la boule de cristal: lorsque la génération des baby-boomers aura pris sa retraite, c’est-à-dire dans 8 ans, parlerons-nous encore de gestion des générations? Si oui, en mettant l’accent sur quel aspect? Sinon, de quoi parlerons-nous?

Face à l’évolution démographique, il manquera selon une publication UBS de 2019 environ 500 000 travailleurs (équivalents temps plein) sur le marché du travail suisse dans environ 8 ans. En d’autres termes, le sujet sera plus que jamais d’actualité. D’ici là, 1.1 million de personnes en Suisse auront atteint l’âge de la retraite, et dans le même temps, moins de jeunes les remplaceront. Parallèlement, nous assistons à une évolution dans les compétences recherchées et à une évolution vers un nouveau monde du travail. Pour les employeurs, il sera crucial de savoir quelles compétences sont disponibles au sein de l’entreprise, où elles se trouvent, et de veiller à ce que le transfert des connaissances au sein du personnel réussisse.

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